Guinée Mines Info a rencontré Mamadou Saliou Baldé, juriste spécialisé en droit extractif et ancien consultant auprès de plusieurs ministères africains. Il revient sur les conséquences juridiques et pratiques des nouvelles dispositions constitutionnelles encadrant l’exploitation minière en Guinée.
GMI : La nouvelle Constitution fait référence à la souveraineté sur les ressources naturelles. Est-ce vraiment une nouveauté ?
M.S. Baldé :
Ce n’est pas totalement nouveau, mais le fait d’élever ce principe au rang constitutionnel est symboliquement et juridiquement très fort. Cela signifie que l’exploitation des ressources naturelles ne peut plus être uniquement encadrée par des lois ordinaires ou des conventions. Toute démarche contractuelle devra désormais s’aligner sur ce principe fondamental : les ressources appartiennent au peuple, et l’État agit en tant que gestionnaire et garant de l’intérêt général.
GMI : Quels effets concrets cela pourrait-il avoir sur les contrats en cours ?
M.S. Baldé :
Cela ouvre la porte à une relecture des conventions minières, surtout celles qui ne prévoient pas de transformation locale, de contenu local ou qui limitent la part de revenus de l’État. Les autorités auront désormais un argument constitutionnel pour réviser, renégocier ou suspendre certaines clauses. Cela devra toutefois se faire dans le respect des règles internationales pour éviter des litiges devant le CIRDI.
GMI : La Constitution évoque aussi la transparence et la redevabilité. Cela peut-il changer les pratiques ?
M.S. Baldé :
Oui, si cela est suivi d’effets. La mention explicite de la transparence peut donner plus de poids aux mécanismes de reddition de comptes, à l’ITIE par exemple, mais aussi aux audits citoyens. Cela pourrait même justifier la publication obligatoire des contrats miniers, des montants versés à l’État, ou des impacts environnementaux. Cela donne une base juridique forte aux ONG et à la société civile pour exiger plus de clarté.
GMI : Qu’en est-il de la transformation locale, souvent évoquée par les autorités ?
M.S. Baldé :
L’esprit de la Constitution va dans ce sens : stopper l’exportation à l’état brut et favoriser la valeur ajoutée locale. C’est un objectif louable, mais qui nécessite de lourds investissements, une politique industrielle cohérente, et un dialogue avec les opérateurs. L’État devra accompagner cette transition, notamment à travers la formation, l’énergie et l’infrastructure.
GMI : Les investisseurs doivent-ils craindre cette nouvelle Constitution ?
M.S. Baldé :
Je dirais non, pas s’ils opèrent dans la transparence et dans une logique de partenariat équilibré. Cette Constitution clarifie les règles du jeu. Elle pose des exigences, certes, mais elle offre aussi un cadre plus stable et plus clair. C’est même rassurant à long terme, si les textes d’application sont bien rédigés et respectés.
GMI : Un dernier mot pour les acteurs du secteur minier ?
M.S. Baldé :
Il faut éviter de voir la nouvelle Constitution comme une menace. C’est une opportunité pour bâtir une relation de confiance entre l’État, les investisseurs et les populations. Mais cela demandera de la rigueur, du dialogue et surtout, de la volonté politique durable.


